

Le rôle de ces firmes est de vérifier les comptes des sociétés, mais aussi et surtout de les conseiller notamment dans le domaine fiscal. Elles ont mis au point des montages fiscaux qui permettent à toute une série de multinationales d’échapper presque complètement à l’impôt.
Dans le souci de ménager leurs clients, il arrive que le travail d’audit soit simplifié. Par exemple, la faillite d’Enron a entrainé la chute d’Arthur Andersen qui l’avait audité.
En conséquence, pour nos réseaux, ces grands cabinets doivent cesser leurs activités dans les paradis fiscaux ; mettre fin aux montages non conformes à la législation fiscale ; cesser de promouvoir des politiques fiscales qui accroissent l’injustice fiscale et privent des populations des recettes qui leur sont dues ; séparer leurs activités comptables de leurs activités conseils ; encourager au niveau des codes de conduite des réviseurs, des comptables et des conseillers fiscaux, la condamnation de l’usage des paradis fiscaux et de l’évasion fiscale, soutenant ainsi un changement profond dans l’éthique de la profession.
1. L'importance des « Big Four » - Partout dans le monde, les recettes fiscales font l'objet d'attaques inlassables en provenance d'une industrie hautement organisée autour du refus de l'impôt. Cette industrie comporte aujourd'hui principalement 4 acteurs (firmes d'audits et de consultance), appelés les « Big Four » : Deloitte & Touche, KPMG, Ernst & Young et Price WaterhouseCoopers (PwC).
On considère que les « Big Four » exercent, au niveau mondial, un oligopole de l'audit financier, concentré sur les grandes entreprises industrielles et commerciales cotées en Bourse et leurs filiales nationales ou dans d'autres Etats, ainsi que sur certains pans du secteur financier (par ex, les gestionnaires d'OPC, les banques, les compagnies d'assurance).
Ces groupes tous d'origine américaine, ont été créés au XIX° siècle pour garder un œil sur les filiales de sociétés implantées à l'étranger. Ils sont organisés en réseau avec des divisions nationales indépendantes. Ils emploient environ 700.000 personnes (184.000 pour PwC), sont présents dans 150 états (et dans tous les paradis fiscaux) avec un chiffre d'affaires de 110 milliards $ en 2012 (31,5 pour PwC). Aux USA, ils contrôlent plus des 2/3 de l'audit, en Belgique 50% de l'audit. En Grande-Bretagne, les Big Four contrôlent l'audit de 99 des 100 sociétés du FTSE100 à Londres (équivalent du Bel20). En France, Ernst & Young contrôle l'audit de 22 sociétés du CAC40. En Allemagne, le nombre de leurs consultants est passé de 26.000 (1970) à 90.000 (2012). En Belgique, les Big Four emploient environ 6.400 personnes (près de 1500 pour PwC).
2. Leur influence en Belgique – En Belgique, près de 15.000 entreprises sont obligées par la loi de désigner un commissaire aux comptes et ont recours aux services d'un réviseur d'entreprise.
Selon le rapport 2010 sur la supervision publique des réviseurs d'entreprises en Belgique, les chiffres suivants mettent en évidence le poids des Big Four. Sur les 401 entreprises étudiées, les Big Four détiennent 299 mandats de réviseurs (dont Deloitte 86, EY 76, KPMG 62 et PwC 75).
Par sous-groupes économiques, les chiffres sont encore plus éloquents. Ces 4 cabinets détiennent 102 mandats dans les 153 sociétés cotées (20 pour PwC), 44 mandats dans les 47 banques de droit belge (4 pour PwC), 43 mandats dans les 50 succursales en Belgique de sociétés de crédit d'Etats EEE (14 pour PwC), 69 mandats dans les 95 compagnies d'assurance de droit belge (27 pour PwC), tous les mandats dans les catégories des sociétés financières de droit belge et dans la catégorie des sociétés de gestion d'OPC (organismes de placements collectifs, tels sicav ou fonds).
3. Leur rôle – En principe vérifier les comptes des sociétés mais aussi dès lors et surtout depuis les années 90, les conseiller en toutes sortes de domaines et notamment dans le domaine fiscal.
Ils sont donc juges et parties auprès des sociétés qu'ils auditionnent, sans oublier qu'ils sont payés pour les différents services rendus ! En Grande-Bretagne, certaines de ces sociétés reçoivent plus de 73% de leurs revenus pour conseils ou services rendus. Ce type de service suppose une bonne connaissance du client et une relation de confiance qui permette à ces bureaux de pénétrer au cœur des entreprises. La palette de services rendus est très large : aider à fixer le prix de vente d'un produit, aider à rendre indépendante une branche de l'entreprise, participer à un processus d'innovation mais aussi les aider dans l'optimisation fiscale (= à payer le moins d'impôt possible)
Ce sont eux qui sont derrière les montages fiscaux qui dispensent presque complètement d'impôts : Amazon (E&Y), Google (E&Y), Starbucks (Deloitte), Apple (E&Y), Microsoft(Deloitte), Pepsi (KPMG), Ebay (PwC), Lufthansa (PwC), Exxon (PwC), Bayer (PwC, CISCO (PwC) ou...Arcelor Mittal ( ?).
Ces planifications fiscales agressives ou abusives des multinationales ont été dénoncées par l'OCDE dans un récent rapport de janvier dernier. Angel Gurria, secrétaire général de l'OCDE a constaté ainsi que « beaucoup de sociétés ne paient finalement que peu ou pas d'impôts ». Le G-20 soutient l'OCDE dans ce programme de réexamen de la fiscalité des entreprises et l'Union européenne travaille également sur la planification fiscale agressive (décembre 2012).
Aux USA, une commission d'enquête du Sénat a déclaré d'ailleurs que « la vente de montages fiscaux est une activité très lucrative et que les sociétés en conseils fiscaux sont les principaux acteurs de ce développement ». Plus récemment en Angleterre, en février 2013, la Commission permanente de Contrôle des Comptes publics du Parlement anglais a, à l'unanimité de ses membres, mis en cause « le caractère inapproprié et éminemment critiquable des relations des Big Four avec certains départements gouvernementaux, leur présence dans quasi tous les paradis fiscaux, leur politique d'avis en matière d'évasion fiscale (on soutient tout mécanisme qui a une chance sur quatre d'être considéré comme légal ou légitime) et leur comportement déloyal à l'égard du fisc britannique (HMRC) au travers de certains rapports publics ».
En 2012, ceci n'a pas empêché pourtant le Forum sur les prix de transfert de l'UE, d'être composé avec l'aval de la Commission, de 11 membres sur 15 ayant appartenu ou appartenant aux Big Four !
4. Divers scandales – Le souci de ménager le client pour bénéficier de possibilités de vente de services de consultance et d'optimisation fiscale, mène parfois ces bureaux à « simplifier le travail d'audit » comme l'ont révélé divers scandales retentissants en Grande-Bretagne et aux USA : Lors de la faillite bancaire de la BCCI, « les firmes d'audits ont été déclarées être responsables de dissimulations et avoir causé ainsi des torts importants aux clients et déposants de la BCCI » (Commission du Sénat US des Affaires étrangères 1992 ) ou encore lors des faillites d'Enron, de Parmalat et de Worldcom entre 2002 et 2004. Dans ces affaires, des commissaires aux comptes de ces firmes ont omis de signaler des fraudes comptables. Suite à l'affaire Enron, le puissant réseau d'audit Arthur Andersen (85.000 salariés) s'est effondré en quelques mois par perte de confiance, après avoir été condamné par la justice américaine. KPMG a été critiqué par la Cour des faillites aux USA pour sa création de schémas de réductions fiscales sans fondement économique avant la faillite de Worldcom. Des pratiques semblables ont été mises en évidence pour E&Y au niveau mondial, Deloitte en GB, Canada, Espagne et Brésil, PwC en Chine et à Hong Kong. En Belgique, la firme Lernout et Hauspie, spécialisée en reconnaissance vocale, s'est retrouvée en faillite suite à des montages financiers que la firme KPMG approuvait depuis des années. C'est PwC qui a déclaré lors de la crise des subprime Carlyle Capital Corporation être en bonne santé financière, et KPMG a fait de même avec Thornburg, fournisseur de prêts hypothécaires. Tous deux ont fait faillite rapidement.
Autre exemple qui pose question : PwC auditionne depuis des années SABMiller (2° société de bière au monde, implantée en Afrique et en Inde). Le nombre de ses filiales (65) présentes dans les paradis fiscaux dépasse le nombre de ses usines et brasseries sur le continent africain. L'Ile Maurice, les Pays-Bas et la Suisse sont les plaques tournantes de l'ingénierie fiscale de la société. Action Aid a évalué en 2010 que SABMiller a réduit sa facture fiscale d'un cinquième privant chaque année des pays pauvres d'au moins 30 millions $.
5. Ce que nous voulons – Bien sûr, les grands cabinets d'audits ne sont pas les seuls à proposer des « optimisations fiscales » mais ils ont une responsabilité particulière parce que :
- Par leur taille, ils dominent au niveau mondial le marché de l'audit et du révisorat d'entreprise et donc l'influencent profondément, notamment par la généralisation des standards techniques et fonctionnels de culture anglo-saxonne.
- Le développement d'échappatoires à l'impôt ne correspond pas à leur « responsabilité sociale » affichée par ailleurs avec force, par leur adhésion à la Charte (Corporate Social Responsability –CSR).
En conséquence, ces grands cabinets doivent cesser leurs activités dans les paradis fiscaux ; mettre fin aux montages non conformes à la législation fiscale ; cesser de promouvoir des politiques fiscales qui accroissent l'injustice fiscale et privent des populations des recettes qui leur sont dues ; séparer leurs activités comptables de leurs activités conseils ; encourager au niveau des codes de conduite des réviseurs, des comptables et des conseillers fiscaux, la condamnation de l'usage des paradis fiscaux et de l'évasion fiscale, soutenant ainsi un changement profond dans l'éthique de la profession.

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