Les gros patrimoines en Belgique
Publié par RJF-FAN
1. Quelle répartition des patrimoines en Belgique ?
En Belgique faute d’informations suite notamment à l’existence du secret bancaire, une évaluation relativement précise de la répartition des patrimoines, comme cela existe en France ou même aux Pays-Bas, reste impossible.
On peut pourtant se référer aux recherches suivantes :
- En réactualisant en 2010 une estimation des professeurs Radermakers et J.Vuchelen (UB-1997), les 10% les plus fortunés détiennent près de 50% des patrimoines, les 3% les plus riches (140.000 ménages) 30%, 1% (45.000 ménages) près de 20%. (www.lesgrossesfortunes.be)

- Suivant une récente étude de Marco Van Hees, 1 % des Belges les plus fortunés possèdent plus que les 60 % les plus pauvres (377,8 milliards d'euros contre 373,9 milliards d'euros).

-Pour l'ING (mars 2013), 28% des belges n'auraient pas les moyens d'épargner et par ailleurs, 44% des couples séparés n'auraient aucune épargne. Pour la Banque Centrale Européenne en 2013, seuls 48% des ménages belges déclarent être en mesure d'épargner. Pour le RFA, les 20% les plus pauvres possèdent 0,2% du patrimoine.

- L'extrême concentration des fortunes est évidemment plus forte encore au niveau mondial (1% se partage 46% de la richesse mondiale, 10% détiennent 86% de la richesse mondiale et les 50% du bas, 1% en 2013).

- Dans des pays comme la France, un dixième de la richesse est entre les mains d'un cent millième de la population (soit 500 fortunes) et en Allemagne 73% des ménages ont une fortune en-dessous de la moyenne nationale, les 10% les plus riches se partagent près de 60% du patrimoine.

-Sur les 20 à 30 dernières années, les plus hauts patrimoines progressent 3 à 4 fois plus que la croissance de l'économie mondiale (Th.Piketty). Malgré la crise, le Crédit Suisse établit une croissance des millionnaires (HNWI – possédant au moins un million $ en actifs financiers disponibles). En Belgique ils passent de 231.000 ménages (2011) à 269.000 (2012), ce qui correspond aux 5 derniers % de l'échelle des patrimoines.

- Si cette progression des grosses fortunes peut s'expliquer de manière générale par le contexte mondial de dérégulation financière et le recours croissant aux paradis fiscaux, en Belgique il faut souligner l'importance d'une fiscalité favorable aux détenteurs de capitaux (pas d'impôt sur la fortune, pas de taxation des plus-values, secret bancaire fiscal, précompte mobilier libératoire, proximité géographique avec le Luxembourg...et facilités de création de sociétés personnelles ou offshore).

 

2. Comment l'administration fiscale belge ne contrôle pas les riches et comment l'administration fiscale belge contrôle les classes moyennes et les couches populaires...

 

En dehors du régime fiscal belge qui présente de nombreuses lacunes tant en ce qui concerne l'imposition des gains en capitaux et des autres revenus mobiliers qu'en en ce qui concerne l'identification des détenteurs des actifs mobiliers et l'identification des bénéficiaires de revenus mobiliers, des faits notables montrent une négligence organisée dans le contrôle des contribuables à haut potentiel de revenus. Quelques exemples.

a) Selon l'avocat Thierry Afschrift, quelques 15.000 structures offshores de droit étranger sont utilisées par de riches contribuables belges pour gérer leur patrimoine et minimiser ou annuler la charge fiscale sur les actifs concernés et les revenus y liés, y compris au travers de la fraude fiscale ou de l'évasion fiscale non légitime.

- Les enquêtes du journaliste d'investigation Frédéric Loore sur la boîte noire du dossier KB Lux, ont montré qu'un nombre important de sociétés offshores concernant plus de 450 bénéficiaires économiques belges étaient utilisées pour contourner l'impôt des personnes physiques (IPP) et le précompte mobilier, notamment au travers de « faux » certificats de non résidence qui permettaient d'obtenir un remboursement du précompte mobilier.

- Dans le dossier HSBC, les enquêtes du journaliste d'investigation Lars Bové, des journaux « Le Tijd » et « L'Echo », ont mis en évidence plusieurs centaines de Belges, dont les noms ont été identifiés, utilisant des centaines d'offshores localisées dans divers paradis fiscaux dans les mêmes buts.

- Selon les dossiers Offshoreleaks et Panamagate des journalistes d'investigation Alain Lallemand du journal « Le Soir » et David Leloup de « Marianne- Belgique », plusieurs centaines de contribuables belges, particuliers et sociétés, disposeraient de comptes bancaires détenus par des sociétés offshore de droit panaméen notamment, et pour nombre d'entre eux, dont les actifs et les revenus ne sont pas déclarés en matière fiscale.

Face à ces situations, la Belgique vient d'instaurer, par un dispositif légal adopté en septembre 2013, une obligation de déclaration des « structures offshores à l'étranger » par le bénéficiaire de celle-ci. Pour être complètement efficace, cette obligation de déclaration aurait du être étendue aux constituants ou fondateurs et par ailleurs aux gestionnaires de fiduciaires ou trustees, même de droit étranger, à l'instar des dispositifs similaires mis en place dans d'autres pays. Par ailleurs, à ce jour, on ignore si les informations recueillies seront rassemblées dans une base de données ad hoc pour autoriser une exploitation effective en matière d'impôt sur les revenus ou en matière de contrôle des droits de succession.

b) La Belgique a assoupli le secret bancaire en 2011 en matière d'impôt sur les revenus et également mis en place (opérationnelle à partir de 2014) une banque de données des comptes détenus en Belgique, à laquelle s'ajoutera à partir de 2014, les comptes détenus à l'étranger déclarés de manière volontaire par les contribuables. Cette base de données est accessible en matière d'impôt directs et en matière de recouvrement. Elle est également accessible à la Police et aux CPAS. Par ailleurs, à ce jour, elle n'est pas accessible en ce qui concerne le contrôle des droits de succession, comme instrument d'identification préalable des comptes détenus par le décédé à la date du décès ou dans une période de 3 ans avant le décès.

c) Selon le bureau d'étude Graydon, en 2013, sur base de l'analyse des bilans des sociétés belges, près de 249 dirigeants de sociétés agiraient par l'intermédiaire de sociétés, notamment de management, domiciliées à Monaco. Monaco est par ailleurs un paradis fiscal en matière d'imposition des personnes physiques, puisqu'il ne connaît pas l'IPP ni de droits de succession. Monaco est également un lieu privilégié des sociétés de management ou des sociétés d'intermédiaire, puisque le taux d'imposition est très faible et que les sociétés offshores y sont tolérées, sans que par ailleurs existent des mécanismes de communication des revenus mis à disposition de personnes physiques au travers des dites sociétés. Contrairement à la France qui, depuis les années 1950, dispose d'une convention fiscale propre avec Monaco par laquelle les Français domiciliés à Monaco restent imposés à l'IRPP en France et contrôlés par des unités spécifiques, la Belgique ne dispose d'aucune convention fiscale de ce type avec Monaco.

d) En ce qui concerne le Luxembourg, si le discours officiel de ce pays a changé sur la nécessité de la transparence financière, il reste toujours en 2° position mondiale à l'indice d'opacité FSI 2013 de Tax Justice Network. Récemment, Eurostat a attribué à l'usage de sociétés-écrans (Special Purpose Vehicles) sa 3° place européenne au classement en investissements directs étrangers (FDI). Christian Chavagneux (Alternatives économiques) considère que le Luxembourg est « un paradis fiscal qui fournit des services en trésorerie utilisé pour une optimisation fiscale abusive (agressive)».

Par ailleurs, on peut relever l'existence au Luxembourg de divers instruments particulièrement intéressants pour les gestions de fortune : les Soparfi (anciennement Holdings 1929), les sociétés de gestion de patrimoine familial (SPF), les Family Office ou encore les exonérations fiscales de 80% des revenus et des plus-values générés par l'utilisation commerciale de droits de propriété intellectuelle.

d) Enfin, la Belgique (contrairement à la France ou au Royaume-Uni, par exemple) refuse de mettre en place une structure de contrôles dédiées spécifiquement aux contribuables à haut potentiel de revenus, estimant« qu'il n'y a pas de problème déclaratif des particuliers à hauts revenus en Belgique ».

Toutes les études de l'OCDE en la matière, mais également la pratique des administrations fiscales, montrent que la fraude fiscale et l'évasion fiscale illégitime des particuliers à haut potentiel de revenu ne prennent pas la même forme et n'ont pas la même nature que celles pratiquées par la classe moyenne ou les couches populaires.

Ce résultat de l'expérience des autres Etats en ce qui concerne le benchmarking et les bonnes pratiques ne semble pas être le souci de la politique fiscale belge.

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